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Pour les sectes gnostiques, en particulier le manichéisme des premiers siècles, le monde matériel est une prison diabolique où l’âme divine de chacun d’entre nous a chuté.  (Olivia Gazalé, citée sur l’entrée « gnostique » de wikipedia)

 
Dans le précédent post, nous avons vu comment l’économie traditionnelle est siphonnée par la Silicon Valley. Maintenant, nous allons voir comment elle réinvestit ce qu’elle absorbe dans une sorte de religion, le transhumanisme, qu’elle professe à travers tous les canaux de communication qu’elle a achetés ou subordonnés. Et nous verrons comment cette utopie crypto-religieuse sert à séduire les milliardaires qui du coup se pressent pour la financer et la faire advenir.
 

La concentration du capital par le haut

L’autre versant de la concentration du capital par la Silicon Valley est effectivement la participation massive de tous les hyper-riches du monde au financement des utopies prométhéennes du transhumanisme. Vie éternelletransfer de la conscience dans le réseau, ou même décryptage de la matrice dans laquelle, selon Elon Musk, il y a 99,999 chance sur 100 que nous vivions (cette matrice aurait été programmée par des êtres inconnus dans un univers qui n’est pas le nôtre, simple simulation informatique, mais la vraie réalité que nous ne connaissons pas… du pur gnosticisme, comme le souligne cet article de The Atlantic).

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Les hyper-riches sont éminemment sensibles aux croyances sectaires et souvent par ailleurs assez naïfs à leur égard, les patrons de la Silicon valley le sont en premier lieu (mais cette naïveté est elle sincère?). Eux dont la fortune et le capital ont une croissance sans pareille sont plus que des modèles pour les accumulateurs de tous poils, presque des demi-dieux. Quels meilleurs VRP imaginerait-on pour extorquer l’argent à des hyper-riches issus d’autres secteurs? Tout l’argent du monde, celui des riches et des pauvres (voir le post précédent sur la disruption), converge vers la Silicon Valley.

Et c’est logique, puisque le désir est infini, de penser que ceux qui ont tout, sont disposés à payer pour la seule chose qu’ils n’ont pas: vie éternelle, omniscience… devenir plus qu’un homme, comme un dieu…

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Les sectes!

Cela correspond parfaitement aux croyances sectaires initiatiques liées (ou parallèles) au transhumanisme (Rael, scientologie, gnosticisme, etc, etc.), qui professent la possibilité d’atteindre à la divinité par l’initiation à des secrets x ou y. Ray Kurzweil, ingénieur en chef chez google claironne parmi d’autres prophéties que le premier homme qui vivra 1000 ans est déjà né, et que google créera une machine omnisciente (comme Dieu) qui pourra nous guider (comme Dieu ou ses prophètes) vers le salut universel dans moins de 40 ans !

Le transhumanisme est effectivement un patchwork de concepts pseudo-spirituels tirés de lectures très libres de Nietzsche, Darwin, et de morceaux épars de tout ce qui constitue le new-age: gnosticisme, ésotérisme, religions bricolées… Voilà la nouvelle forme d’eschatologie, superstructure, idéologie qui s’exprime dans toute notre environnement culturel (films, séries, développement personnel, cybernétique, science fiction, etc.), destinée à normaliser, à naturaliser, à faire advenir le transhumanisme.

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L’AI, métaphore du système

Il est facile d’imaginer comment l’IA, ce Behemoth électronique dont google nous dit à peu près qu’il fera advenir le paradis sur terre, sera utilisé comme prétexte validateur automatique des choix qu’on voudra imposer dans un cadre post-démocratique. En fait, cette intelligence artificielle ressemble au système technocratique qui permet de réguler l’occident à coup de normes, de dissuasion et de conditionnement mental. L’IA en est peut-être la métaphore, qui se transforme peu à peu en réalité, et elle en sera aussi l’aboutissement.
 

Une métaphore et une forme de vie qui se propage

Ce processus de réalisation intégrale du système, son idéologie cryptoreligieuse, ainsi que toute l’accumulation de capital qu’il génère et qui le génère concomitamment, tout ça doit bien sûr se lire comme un vigoureux processus biologique (et l’héritage de Darwin est aussi une source majeure pour l’occultisme occidental, la pensée New-Age et les sectes qui le propagent). En faisant mon Heideggerien de comptoir, je dirais que cette hégémonie est la volonté autonome de la technique qui prend le pouvoir dans un grand arasement de toute chose, en s’infiltrant partout.
 

Nous sommes tous séduits!

C’est ça le pire: même si tout le monde ne profitera pas de la vie éternelle (si l’on y arrive), le péquin moyen est très sensible à toutes les utopies hi-tech. Elles sont quelque part incluses fantasmatiquement dans tous nos objets électroniques. La publicité ne cesse de mettre ces derniers en scène comme des extension de nous-même, des prothèses narcissiques qui nous augmentent en nous connectant au grand et beau tout que l’humanité constitue d’ores et déjà  (ce grand tout intégré comme un cerveau à échelle mondiale, qu’il existe ou non, fait partie de l’appareillage idéologique crypto-religieux transhumaniste). Toute la puissance désirante de l’humanité (celle des riches et des autres) est mobilisée dans cette grande entreprise, fait social total qui est aussi bien du marketing que de la religion, de la science que de la politique.

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Le transhumanisme absorbe la science

Ainsi, c’est désormais autour des projets cyclopéens de Google et de la Silicon Valley que s’organise la science en clusters de start-up et de projets universitaires de recherches en  neurosciences, biologie, physique, etc. Le transhumanisme, avec les croyances sectaires et post-rationnelles de la Silicon Valley, est devenu la pointe et la locomotive de l’activité scientifique!!!

Et ils sont marginaux ou du moins on les entend peu, les scientifiques comme le biologiste Jacques Testart, ou l’urologue millionnaire Laurent Alexandre, ex-transhumaniste devenu récemment critique, qui pointent les dangers de ce grand mouvement.

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La question morale

Pourtant le rêve transhumaniste est par essence élitiste, eugéniste, et il présuppose logiquement l’advenue d’une société de castes, entre les augmentés et les non-augmentés, les immortels, et les non-immortels, ceux qui auront les moyens, et les autres.

Comment les milliardaires de la Silicon Valley peuvent-ils se dire humanistes et plein de probité? Comment Google peut-il afficher son slogan « Don’t be evil »?!!!

Une façon de l’expliquer consiste à revenir aux soubassements sectaires du transhumanisme (je vous en ai exposé une minuscule fraction et j’y reviendrai plus tard, si Dieu ou l’AI m’en donne la force). Le gnosticisme chrétien était marqué par le secret, la hiérarchie initiatique et l’imminence de l’apocalypse. Les gnostiques ont influé sur tout l’héritage ésotérique de l’occident. La plupart des sectes partagent ces caractéristiques, et je pense que la Silicon Valley n’y fait pas exception. Une élite possède le vrai savoir sur le monde, sur l’imminence de la catastrophe et/ou du salut, et elle doit le dissimuler au commun des mortels ou aux autres membres de la secte moins avancés dans l’initiation.

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Précédents post de cette série prométhéenne: 
Disruption: la Silicon Valley va détruire le capitalisme [Prométhée et Marx]
(Précédent post de la série, corollaire exotérique de ce que vous venez de lire, où est abordée la concentration du capital par le bas…)
La technique est la continuation de la biologie par d’autres moyens [Prométhée et le feu]
(post indispensable, dont tout lecteur retire une impression de plénitude symbolique, conceptuelle et, plus généralement, jubilatoire)
Le capitalisme est il une forme de vie? [Prométhée et Darwin]
(post long et chiant certes, mais non dénué de pertinence… on dira qu’il qui se mérite)

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Toutes les peintures sont de Michael Page, peintre génial qui me rappelle Salvador Dali et Francis Bacon. Je l’ai découvert en tapant « Peinture fractale » dans le moteur de recherche universel. 

Ses visions évanescentes, kitsch et oniriques illustrent parfaitement le gnosticisme ambiant et la nature crypto-religieuses du transhumanisme, rayonnant partout dans la pub, le cinéma ou la science, comme on l’a vu.

Page, sur sa page de présentation, prétend illustrer le pneuma, c’est à dire, l’esprit et le souffle, chez les Grecs et dans la bible; pneuma dont il affirme, à la suite de beaucoup de traditions spirituelles et ésotériques, qu’il irrigue toute forme de vie. Et si on le rapprochait de la volonté de puissance, de l’élan vital, concepts aux contours vagues que je manie souvent dans ce blog sans trop de scrupule définitionniste?