De nouveau PNL. J’écoute débat sur France Culture sur PNL et tout le monde tourne autour du pot et ne dit pas la pure, évidente et directe magnificence qu’est PNL, telle que je l’avait déjà dévoilée dans ce post.
Pourtant, tous les jeunes qui adorent PNL ont bien compris, eux, ce qui est évident, l’essence de PNL: la mafia qui arrive dans les médias et le show biz et qui impose ses méthodes au lieu de se plier. Symbole clair d’une société absolument pourrie qui s’affiche comme telle, révélation pure du mal, révélation du mal pur, et donc, acte de vérité. Lutte contre le mensonge! Le mal, c’est la vérité, et il est bon de révéler la vérité. Merci la mafia.
Voilà aussi pourquoi ils écoutent passionnément PNL et se sentent ainsi faire partie de quelque chose de plus grand qu’eux (et ils ont raison). Le mal. La vérité.
J’écoule toute ma salade, j’emmène la misère en balade
Pour leur sourire gros j’canarde
Métaphore typique dans le hip hop: la drogue (ici, la salade) à la place de la musique. Mais ici, la métaphore est plus large. C’est un vrai symbole auquel nous avons affaire et sa richesse suscite une analyse potentiellement infinie (dont PNL est largement conscient, et c’est ça qui est fort!). Il y a trafic de symbole et c’est la nature vicieusement addictive de la consommation culturelle qui est soulignée. De vrais gangsters pour vous servir un produit addictif. Syndrome de Stockholm explicité en toute lettre.
La vérité vous est servie comme un uppercut dans les côtes (la vérité fait mal). Dans une société épuisée par les stimuli dépourvus de sens, le mal arrive pour restituer la réalité et la vérité que nous avions oubliée. Voilà l’avantage comparatif sur tous les autres rappeurs.
[Dans ce post, je vais me concentrer sur les aspects les plus concrets de la construction d’un mythe à partir de la mafia en tant que véritable mafia, labellisée mafia authentique (opposée à la mafia pas crédible que vendait le rap auparavant comme un signe qui faisait toc), avec la complicité des médias et des politiques. Mais il faudra penser que ce produit porteur du mal et de la vérité, symbole du mal et du vrai, vient culminer dans un système culturo-médiatique de gestion des affects des consommateurs, et spécialement des consommateurs d’avant-garde que sont les jeunes. Par là c’est de la gestion du devenir. Ayons déjà conscience que cette gestion des affects et du devenir des individus s’effectue par la canalisation du désir symbolique et du désir mimétique… c’est cela qui est symbolisé plus profondément par PNL. Dans un prochain post, nous expliciterons plus en détail ce trafic de symboles et l’empoisonnement socio-psychique et symbolique qu’entreprend génialement PNL, qui fait culminer le mal qu’il représente encore bien au-delà des sommets que je vais disséquer ici. Mais chaque chose en son temps]

Image new age et religieuse qui dit l’ingénierie symbolique propre au marketing des stars d’aujourd’hui. Si je dois livrer une conclusion par anticipation, je dirais ceci: PNL est une divinité bicéphale qui dit dans sa gémellité tout le narcissisme, l’auto-mimétisme du star-system tardif,
« …un phénomène qu’il faut décrypter »
18 millions de téléchargements en 2 jours sur Spotify, disque de platine en un temps record… Ca implique pour les médias de tout bord attention et « décryptage »: comment expliquer l’ampleur du phénomène? Mais immanquablement, sur France Culture comme ailleurs, on tourne autour du pot. On ne parle pas de ce qu’est PNL en soi. Mal et vérité, jusqu’à l’os, jusqu’à la moelle. Symbole. Essence pure.
Contrairement à B2oba, ce sont des vrais gangsters qui continuent sans doute à tenir leur quartier, peut-être à en conquérir d’autres, pendant qu’ils conquièrent en parallèle la renommée internationale. Des vraies tours (pas de la zone pavillonnaire), un vrai père gangster (pas une mère juriste travaillant pour la mairie), que du pur, du vrai, du mal.
PNL sont les deux fils de René Andrieu, un maffieux lié à Serge Dassaut et à Jacques Chirac. Mais oui. Dans le langage timide de Marc Weitzman, animateur de France Culture qui sent bien qu’il y a quelque chose de louche, mais qui ne voudrait pas verser dans la diffamation ou le complotisme, ça donne ça:
« Andrieu a purgé plusieurs années à Fresne pour braquage, et en quatre-vingt-quinze il était président de l’association des jeunes des Tartarets… On l’a présenté à Serge Dassault et il a développé avec lui une relation de clientélisme électoral, hein, il faut être clair… Il a aidé Dassaut à devenir maire avant de se faire prendre avec trois kilos de canabis, si bien que Serge Dassaut l’a fait exfiltrer en Corrèze par un de ses hommes qui était ancien préfet et chef adjoint de Jacques Chirac, donc il y a eu beaucoup de… hum… liens avec la Corrèze. Et c’est en Corrèze que les deux frères Andrieu ont grandi, pour l’essentiel, et non pas aux Tarterets. »
« Andrieu est resté un certain temps en Corrèze… Et puis il est revenu à Corbeil Essonne pour régler certains comptes, et ça a fini très mal puisque ça a été la chute de Serge Dassaut , mais entretemps, il y a quand même eu des fusillades et ça a été très spectaculaire et c’est sur ce… cet arrière plan politico-maffieux familial local, que les frères Andrieu ont grandi et qu’ils ont aussi bâti une bonne part de leur mythologie. »
Là, on a tout. Corruption qui remonte au président Jacques Chirac en passant par un grand patron que l’on peut dire sans nulle hésitation membre de la mafia d’Etat, puisque c’est un vendeur d’arme, contractuel attitré de l’Etat, et un maire condamné pour corruption et blanchiment d’argent, et des histoires d’achats de vote non résolues, etc. René aurait essayé de racketter Dassault, peut-être de le tuer, et Dassault a apparemment aussi essayé de le faire assassiner…
Élevé par un bandit, ouais, papa apprends-moi à tuer
Écoute le cri de Mowgli, ouais, la hess m’a appris à muer

René Andrieu, « Baba », avec Serge Dassault en arrière-plan.
Précipité de 40 ans de politique de la ville corrompue (inventée par Jack Lang)
Mais surtout, surtout… Voici une vérité qui émerge évidente: la gestion politico-culturelle des banlieues qui a consisté, à partir des politiques de Jacques Lang, à donner une culture de ghetto au ghetto, que dis-je, à créer le ghetto. Car il y a 40 ans, il n’y avait pas vraiment de ghettos en France. Maintenant, il y en a partout. Et un jour, on cherchera les causes de cette évolution et l’on parlera de ce dont je parle ici.
Se compénètrent sous cette mutation tant de réalités sociales, économiques, culturelles, sémiotiques, qu’il faudrait déplier et que je déplierai ici et dans d’autres posts. Elles y apparaîtront clairement et substantiellement, dans le détail de leur hallucinante noirceur, et de la bêtise corrompue et irrémédiable qui les a rendues possibles. Parmi elles, la corruption de toute la pensée de gauche, qui incarne paradoxalement un racisme carabiné, racisme qui se cache derrière tous les tabous politiquement corrects de cette gauche culturelle. Gangsters lucides, politiques, experts et journalistes aveugles!
J’suis ravi qu’ma haine vous plaise, ravi qu’on vous baise

…avec un singe, dans le clip Naha. Singe, symbole du mimétisme, de la bêtise humaine, mais aussi, inversement, de l’intelligence sauvage des bêtes qui se fichent de l’être humain, de la vanité de son intelligence rationnelle et de sa civilisation.
Quelques détails significatifs de l’aveuglement général
Weitzman passe vite sur un fait extrèmement croustillant que détaille l’article. Des faits qui sont si emblématiques de ce mode de gestion corrompue en matière de banlieue et de « jeunesse des quartiers »:
En 1994, après un séjour de 8 ans en prison, René Andrieu se voit confier une association « Tarterêt 2000 » chargée de « proposer des activités aux jeunes et de l’aide alimentaire aux familles dans le besoin. » Dois-je souligner qu’il s’agit là des fonctions sociales qu’assume la mafia en toute latitude, notamment pour se dissimuler au sein d’une population (pauvre) qui devient, avec ou contre son gré, cliente et complice? L’article ne le relèvera pas, et personne ne souligne cette ironie, pas même Benjamine Weill, l’une des intervenantes, qui a pourtant aussi été éducatrice sociale (chef de service de etap’ado dans le 93…). Cela ressemble déjà à de l’Omerta.

Clip de Au DD, PNL regardent Paris et la France du haut de la Tour Eiffel. Comme Rastignac , figure du jeune arriviste, chez Balzac, mais plus haut et plus balaise.
Et l’hallucinante réalité va plus loin:
Après l’arrestation de René Andrieu en 1995 pour les 4,5 kilos de haschich, une émeute éclate à la suite dans les Tarterêts. Les gamins, toujours prompts à s’élever contre les injustices et les discriminations, sont sans doute révoltés par la mise en cause de cette figure paternelle de substitution: le parrain local qui s’occupe opportunément de la maison de quartier. Du coup on le relâche quelques jours plus tard, sans doute pour calmer le quartier, mais pas pour l’exfiltrer, comme le croit Weitzman. Au contraire, il semble être alors promu comme « éducateur spécialisé »!!! Ce n’est que plus tard qu’il sera mis au vert « en Corrèze » (la Corrèze indique bien sûr la piste chiraquienne).
Ironie sublime: quel aveuglement, quels mensonges ont conduit à offrir à un maffieux qui sort de prison une couverture parfaite, un réseau de jeunes désoeuvrés, et un rôle de référent social? Pour avoir un peu trainé dans certains milieux concernés, je suis à peu près certain que cette histoire représente plutôt la norme que l’exception dans ce qu’on appelle par euphémisme les « quartiers populaires ».

…avec une hyène, dans le clip de A l’ammoniaque. La hyène, autre animal hypersymbolique.
Des grands frères bras cassés aux grands frères gangsters, aux frères musulmans
Un pan très éclairant de la gestion corrompue des banlieues dont je parle est la politique des « grands frères », impulsée dans les années 80-90. Elle consistait à s’appuyer sur les « aînés » des quartiers pour encadrer la jeunesse et pallier les problèmes d’éducation. C’étaient souvent des « ex-jeunes » du quartier sans autres possibilité professionnelle, parfois ex-délinquents ou parfois encore en activité, comme René Andrieu, mais qui dans tous les cas avaient un regard indulgent pour les caïds, et se la jouaient un peu caïds, même sans l’être forcément (c’était la culture du ghetto, le mythe du ghetto qui s’élaborait). Les caïds ont très vite représenté dans les quartiers le pilier patriarcal par défaut (d’Etat, de parents en capacité d’exercer une autorité, etc.). Et aujourd’hui, on assiste au transfert progressif de légitimité des grands frères losers et bras cassés, aux grands frères vrais gangsters et (et c’est intimement lié) aux frères musulmans, à l’islam radical. How could it not happen?

Le dernier album s’appelle 2 frères. Ici aux Tarterets, affiche géante sur la cité de leur enfance… Marquage du territoire… Les deux frères ne cessent de mettre en avant qu’ils sont 2 frères, avant d’élargir le cercle: « Que la famille. » Ici, cela veut dire les gens du clan, familial, et surtout maffieux. Mais pourquoi pas religieux? S’ils font la promotion de la vie dissolue de gangster, les deux frères ne cessent aussi de mettre en avant leur lien avec l’islam.
Hypothèse de l’omerta massive (plus que l’aveuglement)
Bien entendu, ce petit écosystème politico-maffieux n’est pas sans influence sur le reste de la société. Ce qui m’incite à radicaliser mes hypothèses les plus fortes sur une gangrène maffieuse des « quartiers » qui conquière le Showbiz, c’est de voir l’omerta que PNL parvient à imposer autour d’eux dans les médias. Et cette Omerta se répercute dans ce débat élégant sur France Culture de Weizmann et ses invités.
Ceux-ci représentent les deux options interprétatives politiquement correctes du phénomène PNL. Celle de la droite productiviste et celle de la gauche culturaliste.
J’suis dans un merdier, dans un cul de sac
Ah ouais, ta chatte, toi ferme ta gueule, toi ferme ta gueule
a) Interprétation de droite macroniste disruptive
Selon Tarik SHakor, spécialiste en marketing, le phénomène représente l’avant-garde du marketing viral, avec la construction d’un réseau informel de fans capables de relayer le marketing de PNL hors des médias traditionnels. La culture de la rareté, ne pas se montrer, créer une légende, un mythe.
Mais ce que Tarik Shakor n’explicite pas est que toutes ces activités disruptives, c’est la vraie mafia qui peut les mettre en place le plus facilement. Outre le fait d’être vraie (sur quoi tout le mythe marketing se construit) elle a la capacité effective de griller les anciens réseaux radicalement. Grâce à ses réserves et sa souplesse manageuriale dont le corollaire est le maniement réel et symbolique de la violence réelle et symbolique.
Bref, avec le hip hop, la mafia a en main l’outil parfait pour blanchir de l’argent en toute légalité, et brouiller les pistes en s’instituant comme un style de vie.
Sois le meilleur dans le crime ou à l’école », c’est c’qu’a dit Baba (papa)
Igo c’est QLF, ceux qui connaissent ont chanté « La la
La la, lala
Bien sûr, il y a transmission du stigmate: de Baba à PNL, et de PNL à fans de PNL. C’est le jeu. Le père mauvais. En dernière instance, oui la figure du mal. Telle qu’elle apparait par exemple dans le mythe d’Osiris ou dans Star Wars. Seth, le double maléfique de la figure du bon père devenu aveugle; Darth Vader, le mauvais père qui a « tué » le bon père, Anakin Skywalker.

L’artiste Obey allie talent et cynisme, comme PNL.
b) Interprétation de gauche culturaliste bourdieusienne
D’après Benjamine Weil, PNL a une portée politique. Ils manifestent le désespoir de ces jeunes qui n’ont pas d’avenir et sont contraints de dealer pour exister, avec en plus de réelles options politiques (ne riez pas!) consistant à proposer une nouvelle forme d' »assemblement », la fraternité, la socialité de substitution du ghetto dont les deux frères et leur slogan « Que la Famille » serait une incarnation… et éventuellement un véritable espoir, soutient toujours sans rire Benjamine Weill.
Weizmann est assez sceptique et on le comprend. Cet écrivain animateur de France Culture n’est certainement pas stupide. Il voudrait bien faire dire à ses invités que ce qui est marquant, c’est que de vrais mafieux s’affichent et fassent la vraie promotion de ce qu’ils sont dans les médias, et que la société applaudisse, mais il y a un bug: les tabous de la gauche culturelle et de l’ethos capitaliste se conjuguent pour rendre impossible l’expression de cette évidence qui suinte de partout.
Il aura beau insister de nombreuses fois sur le fait qu' »On sait très peu de chose sur leur vie. », chaque invité sort le couplet déterminé par son logiciel. Pour Benjamine Weill, cela ramène au terrain d’origine du hip hop et aux bootlegs que l’on se passait sous le manteau. Pour les marketteurs, c’est ce qu’il y a de particulièrement disruptif dans le storytelling de ce groupe et qui fait son succès.

Les paroles de PNL reprises par les militants de la gauche (Nuit debout par exemple) qui ne voient apparemment pas qu’elles véhiculent tout ce qu’ils détestent: compétition, virilisme, capitalisme, voire fascisme.

Le monde ou rien, écho au slogan de Scarface, Tony Montana, « The world is yours ».
« Ils vivent toujours aux Tarterets »
Que la famille, personne nous inquiète jusqu’au dernier gramme
Toujours dans mon 9.1 parce que j’suis baisé par Paname
» Il y a une atmosphère de clandestinité autour d’eux…, continue Wietzmann, c’est très étrange, parce que tout le monde sait qu’ils vivent toujours au Tartarets, mais ils ne sont pas approchables, en tout cas pas par les médias, pas par la presse. Il y a une absence de communication. On dit qu’ils sont soutenus en sous main par l’industrie musicale, on dit que leurs productions sont soutenues par l’argents qu’ils ont fait dans le trafic de drogue… »
Dernière tentative infructueuse de Weitzmann pour parler du scandale, de la vérité du mal… Mais il ne peut y avoir de scandale dans une société où tout est bon (« anything goes », selon la devise pragmatiste), où le mal est soit disruptif donc bon, soit politiquement émancipateur, donc bon aussi.

Gang de hyènes
Le fait qu’ils restent dans leur cité en dit beaucoup. Leur retour aux Tarterets est d’ailleurs mis en scène dans leurs chansons. Ils laissent entendre qu’ils ont gagné une guerre des gangs, tué des gens pour ce faire. Quel beau morceau de vérité.
Baba m’a dit faut du douze, faut scier l’canon pour la guerre
Et la guerre, et la guerre on l’a fait, on la refera, pourquoi donc épiloguer
Ils sont dans leur quartier, ils se foutent du show biz et des médias et ils font leur truc, avec talent. Et comment ne pas applaudir? J’avais été frappé par l’atmosphère d’omerta qui régnait sur le plateau de cette émission. Les journalistes/spécialistes du rap semblaient chercher leurs mots avec une attention particulière pour parler du groupe. En regardant bien, il me semblait même que le maquillage ne résistait pas aux bouffées de sueur que l’angoisse d’en dire trop provoquait sans doute.
Et maintenant c’est au tour des grands médias.
Alors si PNL reste aux Tarterets, c’est soit qu’ils sont (i) effectivement les parrains richissimes du (ou des) quartier(s) ou alors (ii) qu’ils sont les hommes d’un parrain richissime. Comment pourraient ils y rester, sinon? Comment pourraient-t-ils y vivre? Y faire du fric avec un tissu d’entreprises locales inaccessibles à la presse?
C’est bien la mafia qui s’introduit sur la place publique et qui fait, avec un grand talent, sa promotion et investit de nouvelles positions. Le glauque et le glamour se rejoignent en PNL, symboliquement et réellement.

Crâne incrusté de diamants. Art contemporain Blingbling de Damian Hirst. Mis à prix à 50 millions de £ sterling
Quant au fait que des « pontes de l’industrie du disque » les soutiennent, cette hypothèse me semble risible. Ce sera sans doute plutôt le contraire. L’industrie du disque est ruinée. PNL blanchissent de l’argent dans leur activité musicale et sont en expansion manifeste.
Ils ont des partenariats avec de grandes marques de haute couture, des marques qui ciblent la « culture urbaine », et même Uber pour leur promotion qui fournit pour l’occasion des taxis uber customisés PNL et proposait en avant-première l’écoute de l’album à ses clients… Uber qui est soulignons-le au passage est un des deux grands pourvoyeurs de job pour les banlieues (l’autre étant bien entendu l’industrie du trafic de drogue). Gagner du terrain, faire des partenariats. Principe commun à la mafia et à l’entreprise capitaliste.

Taxi uber PNL
Le bizness de la drogue en banlieue est déjà colossal. Peut-être voyons nous effectivement l’industrie criminelle passer à une nouvelle échelle, en intensité et extension, en concentration capitalistique, et symbolique… où elle devient surmédiatisée et hyperesthétique (parce que, répétons-le, vraie, et parce qu’incarnant le vrai mal). D’ailleurs à un certain niveau les gangsters discutent directement avec les pontes de l’industrie financière, pas les pontes de l’industrie du disque moribonde! On peut penser à tout l’argent des quartels mexicains qui ont permis à HSBC de renflouer ses comptes suite aux supprimes… A ce niveau, le gangster met en lumière la nature maffieuse de toute l’économie.
On ne dit pas ouvertement que le rap sert très très très souvent à blanchir de l’argent sale. Pourtant, en tapant quelques mots clés, on voit que ce genre d’affaire est monnaie courante aux USA (pas trop d’articles similaires pour la France, mais je pense que c’est dû à la discrétion et la pudeur sur tous les processus de gestion culturelle et maffieuse que nous avons indiqués plus haut).
Mafia réalise vieux rêve de rockers et rappeurs
Donc PNL reste aux Tarterets, ne fait que des feauturing avec des groupes alliés (Que La Famille), et engage des maisons de prod des Tarterets pour leurs clips (magnifiques d’ailleurs, comme leurs lyricks). Fonctionnement en vase clos, qu’avec des gens qu’on tient. Indépendance totale… ils ont peut-être effectivement réussi le rêve de tous les rappeurs et de tous les rockers avant eux.
Que la famille on s’mélange pas donc pas de traîtrise, que les putes se rhabillent
Que du bon-char pas d’magie, papa sourit j’m’assagis
Petit à petit quand même quelques feauturings avec Damso et Orelsan… La mafia, une fois qu’elle a vraiment constitué un noyau d’omerta opaque au reste de la société, s’étend sans peur.
Peut-être que les deux frères n’écrivent même pas leurs paroles (si belles, effectivement, et notamment belles parce que vraies, maléfiques et ensorcelantes). Le phénomène du ghostwriting, des « nègres », dans le hiphop a été beaucoup documenté. Je me plais à penser que comme pour Booba, ce mélange de génie et de débilité qui fait tout leur sel a quelque chose d’authentique (je pense que B2oba écrit ses textes). Cependant ils pourraient aussi bien avoir réuni dans une optique avancée de rentabilisation capitalistique et de division du travail, une équipe de ghostwriters à leur service, comme le font les comiques à la radio Nicolas Cantaloup ou Laurent Gerra.
Tout est possible.
Gomorra, PNL, produits d’une superstructure culturelle mafieuse
C’est précisément ce phénomène d’expansion de la mafia dans le reste de la société qu’on décortique avec un grand soin sociologique dans un autre produit culturel très à la mode et aussi très bien fait, très beau:
Série postmoderne que je n’hésite pas à dire shakespearienne, Gomorra est produite par Roberto Saviano, grand pourfendeur de la mafia en Italie dont les interventions médiatiques et éditoriales lui valent d’avoir sa tête mise à prix par la Camorra. Pourtant la série Gomorra, comme PNL, participe incontestablement à la glamourisation de la vie certes glauque, mais néanmoins emminemment esthétisable, des mafieux. Glamouriser, ça veut dire, entre autres, rendre désirable. Echange de clins d’oeil, PNL cite très souvent Gomorra « J’suis plus Savastano que Ciro. » Ils ont même tourné un clip à Secondigliano autour de l’immeuble des Velle, chef d’oeuvre de l’architecture brutaliste et inhumaine dont souffrent les banlieues occidentales.
J’veux du L, j’veux du V, j’veux du G, pour dessaper ta racli
Igo, on est voués à l’enfer, l’ascenseur est en panne au paradis
C’est bloqué ? Ah bon ? Bah j’vais bicrave dans l’escalier
A vrai dire, on dirait que les deux produits ont la même charte esthétique. Les longs clips scénarisés de PNL ressemblent comme deux gouttes d’eau à Gomorra. D’ici à penser qu’il y a une campagne internationale de promotion de la vie glauque et glamour des dealers de rue… Je ne veux pas dire forcément que qu’on a décidé tout ça à Davos autour d’une table. On peut faire l’analyse marxienne que les conditions de production économiques produisent pour ainsi dire automatiquement la superstructure culturelle qui les justifient. Et effectivement, on ne peut rêver meilleurs produits motivants pour tous ces jeunes désoeuvrés dans les « quartiers » à qui le seul job accessible (à part Uber) est le deal, que PNL et Gomorra. Ainsi, ce genre de produit permet sans doute de préparer le monde occidental à une situation de cul-de-sac économique où le deal et la débrouille seront, bien au delà des « quartiers », les seuls débouchés professionnels. Bien sûr cette explication structurelle n’exclut nullement une certaine planification intentionnée par de rusés marketteurs et ingénieurs sociaux.
La misère est si belle (mes cafards), la misère est si belle (ma cave)
La misère est si belle (mon hall), la misère est si belle (mon toit triste)
La misère est si belle (Baba)

PNL devant les Velle, Secondigliano
C’est un post intéressant, on voit bien comme leur rap affirme ouvertement leur vie de gangster et la glorifie presque… Je me demande toutefois dans quelle mesure ils se donnent cette image et s’ils sont vraiment des sortes de parrains dans leur quartier, où s’ils ont juste vendu de la drogue au compte d’un autre gangster. Remarque par exemple que « Au DD » fait référence à la vente en détail, en petite quantité, ce qui est plutôt le travail des petits dealers et pas des gangsters à la Tony Montana à qui ils aiment bien s’identifier. ça pourrait être intéressant de creuser plus si possible…
C’est aussi frappant de voir comme l’ambiguité entre la drogue et la musique revient tout le temps, et on peut interpréter beaucoup de leurs paroles en rapport avec la musique ou avec la mafia. « Le monde ou rien » pourrait signifier leur ambition d’être connu à travers le monde par la musique, mais c’est aussi une référence à Scarface (« Le monde chico »). « J’ai fait le million, je me suis assagi », peut renvoyer au million de vues ou à l’argent de la drogue, etc. etc.
Oui… A mon avis, ils ne peuvent pas rester basés aux Tarterets sans comme je le disais être: 1) les parrains, 2) être les hommes du parrain local. Je crois qu’ils construisent bien leur mythe, et que rien n’est venu l’écorner jusqu’à présent… ruiner leur street-crédibilité comme avec B2oba et sa mère juriste, ou autres… A défaut j’y crois, jusqu’à ce qu’un détail vienne contredire mes impressions. Mais le fait qu’il n’y a pas ce détail contradictoire, m’incite à penser que c’est le « vrai truc »… celui qu’on trouve plus dans cette société tellement insincère… la vraie mafia…
Pour à la vente au détail, la glauquitude du ter-ter, c’est la proximité avec les soldats qui font le taf. C’est pas contradictoire avec monter au sommet. Ils mouillent la chemise. Ils sont polyvalents… en bas, en haut…. Qu’ils aient fait le terrain, la vente au détail, comme Ciro di Marzio dans Gomorra, ne veut pas dire qu’ils n’ont pas conquis le sommet de l’organisation ou du showbiz, ou des deux, selon mon hypothèse.
Pour « Le monde ou rien », tu as mille fois raison: c’est clair que ça parle du slogan « The world is yours » de Scarface et Tony Montana (« plus Tony que Sosa »)… On pourrait y voir une considération historique/décadentiste sur la transformation en désillusion et nihilisme du slogan des années 80 très reaganien « the world is yours », certes déjà envisagé critiquement dans Scarface… Mais maintenant, on pose l’alternative: soit le monde, soit rien…. et probablement rien.
Dans tous les cas merci. Je vais me poser un trophée « the world is yours » quelquepart dans le post pour la peine.